TEXTES : Os 11, 1. 3-4. 8c-9 / Cant. Is 12, 2. 4-6 / Ep 3, 8-12. 14-19 / Jn 19, 31-37
PREDICATEUR : P. Marcellin YAWO, SVD
THEME: Préserves ton cœur
Il est fréquent d’entendre dans les rues de Kinshasa en R.D. Congo : « Ozali na motema mabe », c’est-à-dire, « tu as un cœur mauvais ». Cependant, le cœur de l’homme n’est pas visible de l’extérieur. C’est ainsi que le dicton « le visage dévoile le cœur » trouve son sens. Autrement, ce qui transparait dans le vécu quotidien affiche ce qui est dans notre cœur. Ainsi l’amour ne peut être vécu et partagé que s’il a pris possession du cœur. L’amour de Dieu manifesté en Jésus s’est déployé de son cœur, et celui qui accepte cet amour est intérieurement façonné par lui. C’est ce que la solennité du Sacré Cœur que nous célébrons aujourd’hui nous rappelle. L’expression « cœur de Jésus » entendu dans le sens contenu dans la divine Ecriture, désigne le mystère même du Christ, c’est à dire la totalité de son être, ou le centre intime et essentiel de sa personne : Fils de Dieu, sagesse incréée ; amour infini, principe du salut et de sanctification pour toute l’humanité. Le cœur du Christ s’identifie au Christ lui-même.
L’évangile que nous propose la liturgie de ce jour nous présente Jésus mort sur la croix, et comme c’était le jour de la préparation pour le sabbat, il ne fallait pas laisser des corps en croix. Un des soldats voyant que Jésus était déjà mort, lui perça le côté ; et aussitôt, il en sortit du sang et de l’eau. Dans ces deux éléments, les pères de L’Eglise voient l’image des deux sacrements fondamentaux : l’Eucharistie et le Baptême qui jaillissent du coté percé du Seigneur. C’est ce déversement qui a créé l’Eglise et a renouvelé l’humanité. Plus encore, le coté ouvert du Seigneur endormi sur la croix à amener les Pères de l’Eglise à se souvenir de la création de Eve à partir de l’os pris du côté d’Adam endormi. Ils reconnaissent ainsi la création de l’Eglise : la création de la nouvelle femme sortie du côté du nouvel Adam. C’est de l’Eglise, qui est née du côté du Christ, et donc de son cœur, que l’humanité et les Puissances célestes continuent par connaitre aujourd’hui les multiples aspects de l’amour de Dieu comme nous le dit Saint Paul dans la deuxième lecture. Et c’est « le projet éternel que Dieu a réalisé dans le Christ Jésus notre Seigneur » (Ep 3, 11).
L’amour de Dieu manifesté à l’homme comme la première lecture (Os 11, 1.3-4) nous le décrit doit être vécu comme un appel auquel l’homme doit répondre, pour que cet amour ne soit pas un amour déçu du Père. Saint Paul intercède pour nous auprès du Père afin qu’il nous donne la puissance de son Esprit, pour que, se fortifie en nous, l’homme intérieur et qu’il fasse habiter le Christ dans nos cœurs (Ep 3, 16-17), en vue de donner une réponse favorable à l’amour de Dieu. Notre participation à l’effectivité de cette prière doit donc consister à préserver notre cœur et le conformer à celui de Jésus. Comment alors préserver son cœur ?
La bible nous fait savoir que ce qui sort de la bouche provient du cœur et c’est ce qui rend l’homme impur (Mt 15, 18). C’est pourquoi lorsque notre cœur n’est pas pur, notre confession ne sera pas non plus juste. Ainsi, c’est ce, avec quoi nous remplissons notre cœur qui influence toute notre vie. Du cœur provient en effet la foi, l’amour, la patience, la paix, la joie, les mauvaises intentions, meurtres, adultères, inconduites, vols, faux témoignages, injures… C’est pourquoi nous ne pouvons pas refléter l’image du cœur de Jésus si nous ne préservons pas notre cœur des mauvaises intentions ; c’est ce à quoi l’auteur du livre des Proverbes nous exhorte en ces termes : « garde ton cœur en toute vigilance car de lui dépendent les limites de la vie » (Pr 4, 23).
Ces limites de la vie sont traitées dans notre cœur à quatre différents niveaux : la conscience dans son for intérieur ; c’est là où le Saint Esprit nous fait savoir ce qui est bien et ce qui est mauvais, la dévotion où nous donnons toute notre vie à l’adoration de ce en quoi nous croyons, la foi où nous acceptons ou adhérons à certaines choses sans poser trop de question et l’intention où nous prenons nos résolutions et nos décisions. C’est ici que se passe toute notre vie, c’est pourquoi l’écriture nous demande de garder avec toute vigilance notre cœur puisque nos limites viennent d’ici. Si ces limites sortent du cœur, c’est qu’ils ont une porte d’entrée dans nos cœurs. Il s’agit de nos sens par lesquels nous percevons tout ce qui vient de l’extérieur : ce que nous attendons, ce que nous voyons dans la vie dans les réseaux sociaux, ce que nous avons vécu comme expérience. La perception de ces éléments déclenche leur réception, et la répétition de ces éléments à nos sens conduit à la méditation lorsque nous passons tout notre temps à penser et à ruminer ce que nos sens nous prêtent, puis vient l’expression proprement dite de ce que nous avons médité. C’est ainsi que notre vie actuelle est le résultat de tout ce que nous avons pu intégrer dans le passé. Il est donc important de préserver notre cœur parce que de là viennent les limites de la vie. Saint Arnold Janssen a assez vite compris la manière dont nous pouvons préserver notre cœur lorsqu’il formula une petite prière à l’endroit du Cœur Sacré de Jésus pour lequel il a une dévotion particulière : « Que le Cœur de Jésus règne dans le cœur de tous les hommes ». Évidemment le Cœur Sacré de Jésus doit vivre dans nos cœurs par la piété et l’amour. C’est ainsi que nous pouvons donner une réponse favorable à l’amour de Dieu et au même moment préserver notre propre cœur. C’est cet amour qui doit se manifester au prochain et nous amener à pratiquer la justice sociale.
Bien-aimé(e) dans le Seigneur, le Sacré Cœur de Jésus a-t-il déjà conduit ta personne à préserver ton cœur pour ressembler au cœur de Jésus ? Si non, « préserves ton cœur plus que toute chose, car de lui proviennent les limites de la vie ».